Il semblerait que nous ayons quelques difficultés à définir clairement ce qu'est pour nous, une émotion. Nous entendons beaucoup dans le milieu du développement personnel qu'il suffit de les écouter et de les accueillir pour en être libéré. Oui, mais comment?
Que devons-nous faire pour les accueillir? Dois-je réellement taper du poing sur la table pour me libérer de ma colère? Que veut dire accueillir, en réalité? Et accueillir quoi exactement?
Qu'est-ce qu'une émotion?
Du latin, ex-movere, dont ce mot tire son origine, cela voudrait dire que l'émotion est avant tout un mouvement qui pousse vers l'extérieur. Est-ce alors un comportement? Des mots? Des gestes? Des larmes? des cris? Est-ce ce que l'on manifeste lorsque nous sommes sous l'effet de l'émotion ou cela serait-il en amont de ces signes extérieurs?
L'émotion se voit, l'émotion peut être honteuse, dérangeante, contagieuse … N'a-t-on jamais entendu de nos proches, étant enfant, qu'il ne fallait pas être triste, ni avoir peur, ni être en colère, qu'il fallait faire le bisou à cet adulte vis-à-vis duquel, sans raison apparente, on éprouvait du dégoût? Certains se rappelleront même qu'il ne fallait pas manifester sa joie trop fort, de peur de gêner. Bref, vous l'aurez compris, l'émotion n'est pas politiquement correcte…
Ne faudrait-on pas rajouter que si l'émotion se voit, elle se ressent avant toutes choses? Beaucoup de personnes passant par mon cabinet ne veulent ressentir quoique ce soit, car elles confondent la sensation de l'émotion avec les gestes qui y sont associés. La colère, par exemple, représente un danger, un risque de rupture dans l'harmonie relationnelle, donc on ne la montre pas, mais on ne veut pas la ressentir non plus, inquiet des comportements qu'elle provoquerait en soi. Les premiers pas vers le déni s'engagent et la colère se voit progressivement grimée en une autre émotion parasite, la peur. Le nœud émotionnel se constitue, prémisse d'une pelote que l'on tisse au fur et à mesure des années et qui à la fin devenant indigeste, finit par nous étouffer et c'est la crise. Angoisse, dépression, état anxieux permanent exigent alors de nous que nous remettions de l'ordre dans tout cela.
Nous pourrions faire le même constat avec la tristesse par exemple, qui dans certains milieux est synonyme de faiblesse. Celle-ci se voit alors affublée d'un costume de colère, beaucoup plus acceptable quand les rapports de force vont bon train et quand montrer le moindre signe de fragilité est un signe de soumission. La peur et son déni se voient alors encore invités dans ce tour de passe-passe émotionnel et posent leur couvercle délicat pendant un temps, sur le bouillonnement de la marmite.
Et si nous nous amusions à arrêter de poser des concepts sur ces ressentis, si pour un temps, nous arrêtions de catégoriser, d'estimer, d'évaluer, de juger nos émotions et que nous les vivions comme de simples ressentis dans le corps, sans faire de détour par la tête? Que se passerait-il?
Accueillir, n'est pas obéir…
Prenons un lac dans lequel nous ferions des ricochets. Que se passerait-il si l'eau du lac résistait aux remous? Redeviendrait-il calme et fluide? Doit-il réaliser un effort pour cela ou accueille-t-il simplement ce qui se passe en lui?
Il semblerait que la majeure partie d'entre nous, si elle était ce lac, rentrerait en lutte contre les mouvements générés par l'impact du caillou à la surface de l'eau, créant de ce fait des remous superflus de plus en plus importants. Ce qui devraient être de simples ondulations passagères deviendraient alors des tempêtes interminables, générées par le refus de ce qui se vit.
Accueillir est un mot un tantine galvaudé, qui se dissout tant son emploi peut paraître parfois excessif et superficiel. Peut-être devrions-nous lui donner un coup de jeune, et de ce fait un sens plus clair, si nous le remplacions, ici, par le verbe ressentir. Ressentir la colère n'a pas tout à fait le même sens que accueillir sa colère, celle-ci se rapprochant davantage d'une notion d'acceptation, pouvant se rapprocher d'une idée de concession, d'obligation. Quand nous ressentons, nous ne sommes plus dans le concept, nous sortons de la tête pour nous focaliser sur le corps.
Ressentir le mouvement de l'émotion sans lui obéir, c'est créer une sorte de désolidarisation entre ce que je ressens et ce que ça me pousse à faire. Je ne fais rien, justement, je ressens et j'observe la circulation de la sensation dans mon corps. Elle pourra parfois s'exprimer en termes de chaleur, de picotements, de resserrements, de fourmis qui me traverseront le corps. Celui-ci restera dans le ressenti, dans l'observation, sans obéir, sans focaliser, en restant large, ouvert, comme le lac qui se fait traverser par des ondulations, il reste neutre, sans réaction.
Si la traversée se fait sans être encombrée de concepts, ni de jugements, ni de comportements réactionnels, les remous passeront en maximum 1 minute et 30 secondes, durée observée par des études neuroscientifiques. Le corps retrouve alors un équilibre propice au dialogue et à une compréhension plus claire de nos besoins.
C'est ce qui s'appelle se réguler émotionnellement, contrairement à maîtriser, gérer son émotion, nous laissons couler en nous, sans vouloir saisir, ni attraper pour catégoriser et juger, mais en permettant à l'émotion d'être libre de trouver le chemin au travers de notre corps, tout comme le lac finira par retrouver son aspect calme et serein, une fois parcouru par les ondulations.
Voici un changement de paradigme qui peut améliorer grandement la qualité des relations ainsi que le rapport qu'on entretient au monde. La régulation émotionnelle permet de reprendre le pouvoir sur soi et d'avoir plus de liberté dans nos agissements.
Bien sûr, la guérison, l'œuvre d'une vie, ne réside pas seulement là, mais cette écoute de soi a le mérite de frayer un chemin plus court vers le calme et la résilience.
Je partagerai avec vous d'autres éclairages afin de montrer avec le plus d'humilité possible, de sincérité et de conscience, comment éclairer nos diverses parties intérieures et ainsi améliorer notre relation à nous-mêmes, aux autres et au monde qui nous entoure.
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