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Qu'est-ce que la souffrance? (Part.1)


En écrivant cet article, je ne prétends pas être exhaustive sur la question, mais seulement ouvrir quelques pistes, quelques espaces de réflexion, d’introspection.


Si l’on se réfère à la définition de chez Larousse la souffrance est le « fait de souffrir, le fait d'avoir un état prolongé de douleur physique ou morale : Avoir sa part de souffrance dans l'existence.»


Un état prolongé de douleur… Nous traiterons ici seulement la douleur dite "morale", bien que, nous le verrons par la suite, la frontière qui sépare les deux est mince, voire inexistante. la question se pose en ces termes, quel est ce processus qui fait que la douleur se prolonge?


1. Il était une fois une histoire sans fin…

Dans la majeure partie des cas, quand je rencontre les personnes dans mon cabinet, je découvre d'abord des histoires, des mots, des pensées, des croyances, des jugements, des raisonnements, un cadre avec des règles de conduite à tenir, à éviter, une vision du monde tantôt fermée, anxiogène, utopiste, ou bien plutôt pessimiste… Tout un environnement verbal définissant ce que les personnes ont pu saisir de leur réalité, pour y donner un sens. Quand la souffrance arrive, c'est que le sens est perdu, les mots, les raisonnements ne parviennent pas à continuer l'histoire de manière favorable. La rencontre se fait exactement à cet endroit précis de blocage où l'histoire tourne en rond, comme un disque rayé, où les pensées ne mènent plus à rien d'autres qu'à une impasse stérile. Les personnes sont alors prisonnières de leur mental, tentant vainement de trouver une issue de secours en empruntant inlassablement les mêmes couloirs logiques ou illogiques, façonnés par un mode de fonctionnement à l'agonie.

Le mental est à son comble entrainant le corps, par cette surcharge cérébrale, vers une asphyxie délétère. Certaines personnes ne se rendent absolument pas compte qu'elles respirent mal ou qu'elles sont perpétuellement en tension, hypnotisées par le pouvoir d'attraction des pensées. Mon cabinet est alors peuplé de têtes sans corps, déboussolées et privées de leurs ressources.


Mais quelle est cette chose qui nous fait courir ainsi contre nous-mêmes, nous faisant perdre pied tellement nous nous réfugions dans nos pensées? Ne serait-ce pas cela les racines de la souffrance, ce prolongement de douleur qui ne trouve pas la fin?



Et si le fait de refuser de souffrir était exactement ce qui faisait souffrir?

Imaginez que vous prenez une douche bien chaude, réconfortante, apaisante et que tout à coup, votre chauffe-eau tombe en panne . Vous êtes alors surpris par le froid, vous vous recroquevillez, vous êtes soudainement tendu et vous pestez contre cette panne! D'un désordre purement physique, vous y rajoutez des tensions musculaires, des émotions de colère venues alimenter le fait que cela n'arrive qu'à vous, que votre journée a décidément mal commencé, que vous ne vous sentez pas bien dans cet appartement dont vous voulez déménager, mais que les loyers sont inaccessibles, que vous allez vous retrouver en HLM dans une banlieue craignos où vous risquerez de vous faire agresser à tous les coins de rue. Bref, vous transformez ce moment de pure détente en cauchemar vous menant dans une impasse et ouvrant le chapitre de votre histoire racontant que votre vie ne sera qu'une suite d'échecs, comme ceux de votre mère dont vous vous êtes jurée de ne pas reproduire le destin! Et voilà, d'une douche, votre vie finit à la poubelle.


Imaginons maintenant que surprise par cette douche froide, vous observiez exactement ce que cela vous fait dans le corps? Le cœur surpris s'est mis à battre la chamade, la respiration s'est coupée le temps de 2 ou 3 inspires, le cou, les trapèzes et les bras se sont tendus de froid, votre peau est parcourue par des frissons rapides et diffus. L'observation de ces sensations vous amuse, car il s'agit de réflexes de votre corps pour perdre le moins de sa chaleur possible. Si vous restiez dans l'attention neutre de ce qui se passe, vous vous rendriez compte que les tensions peu à peu se relâchent, que le calme les remplace et avec lui, la sensation de froid diminue. Plus exactement, le froid serait toujours là en revanche aucune résistance ne viendrait alimenter une histoire dramatique et par là-même, aucun inconfort émotionnel se rajoutant à l'inconfort du froid.


Pour les situations suscitant de la douleur dans l'existence, il s'agit du même mécanisme. En refusant de vivre ce qui est vécu, nous nous tendons, alimentant des pensées nocives, générant à leur tour des tensions dans le corps, provoquant des pensées toxiques etc...



Cette résistance est une habitude dont il faut prendre conscience…

Nous ne nous rendons absolument pas compte à quel point, nous nous tendons devant les moments désagréables, plus affairés à trouver des solutions aussi rapidement que nous ne supportons pas de vivre ces instants douloureux, ne sachant quoi en faire. D'ailleurs, plus les problèmes ont vite trouvé solutions dans l'enfance grâce aux parents ou aux adultes de l'entourage, plus la difficulté sera difficile à surmonter pour la personne devenue adulte. Au lieu d'écouter ce qui se passe dans le corps et se réguler émotionnellement, ce qui a pour effet de retrouver le calme propice à plus de présence, nous nous réfugions dans la réflexion, teintée d'émotions désagréables venus obscurcir notre conscience.

Selon Luc Nicon, le père de la régulation émotionnelle, dans son livre "revivre sensoriellement", nous nous bloquons face à certaines de nos émotions car celles-ci prendraient racine dans des traumas intra-utérins, s'inscrivant dans notre cerveau comme une zone isolée, sans plus de liaisons avec le reste de notre activité cérébrale. Ce blocage favoriserait donc des comportements néfastes, ayant pour seul but, de contourner l'émotion à vivre. Ainsi, d'une simple douleur, l'engrenage est lancé, le cercle vicieux enclenché, nos pensées, nos raisonnements, nos actes deviennent bientôt des poisons dans notre existence. La souffrance s'installe.



Le "Je ne sais pas" pour refaire surface…

Et si nous nous accordions des moments de pause, d'écoute de nos ressentis corporels au contact de pensées désagréables ou anxiogènes. Après tout, que risquons-nous? Ce n'est pas parce que notre chauffe-eau tombera en panne que notre vie en sera gâchée, non? J'accompagne les personnes au sein de mon cabinet à accueillir, voir, rester avec ce type d'histoires dramatiques en elles, sans peur, sans appréhension, elles en régulent la réaction de leur corps et après cela, profitent de ce recul nouveau, où le corps ne sur-réagissant plus, permet au raisonnement d'être plus libre et léger. C'est souvent en regardant ce qui nous fait peur avec un regard curieux que nous nous en émancipons, s'agissant souvent de reliquats d'enfance, en terme d'images de soi ou de croyances passées, erronées. Il arrive même que certains en ressortent avec une certaine compassion pour eux et ce qui leur avait fait si peur de revivre.

On dépasserait la souffrance donc, en la comprenant, en l'embrassant dans ses remous émotionnels, en restant dans l'espace inconfortable du "je ne sais pas" et en quittant le monde de la performance et des apparences, qui nous dicte sans cesse d'aller bien et de rester dans la lumière… C'est oublier que pour qu'une lumière brille, l'ombre lui est nécessaire et qu'une ombre éclairée de conscience peut devenir un lieu de paix, un espace familier où l'on se repose en toute confiance. C'est oublier aussi que nous avons le pouvoir d'éclairer ce qui est encore obscure, pour peu que l'on s'y penche.


Je vous dis à bientôt pour un nouvel éclairage sur la souffrance, où j'aurais l'occasion de développer certains points abordés avec davantage de détails.












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